lundi 9 mai 2011

Métro de Béring


Quand toutes mes affaires, comme mon p’tit moi éparpillé et empaqueté bien tapé, seront arrivées à Montréal, j’me dépaquèterai. J’me dépaquèterai encore comme à chaque année pis qui sait c’que j’va trouver, on trouve toujours plein de choses qu’on avait perdu\oublié dans les boîtes de déménagement. On trouve plein de trésors mais y a plein de choses qu’on ne retrouve plus jamais aussi. J’aimerais perdre mon nez avec sa bosse et ne plus le retrouver jamais. J’aimerais le perdre avec mes p’tits orteils croches. J’aimerais perdre ma mauvaise humeur et ma colère aussi quelque part sur la 20 avec mes p‘tits orteils croches et mon nez en bosse. On les prendraient pour des p‘tites roches qui trainent sur le bord de l‘autoroute pis ça serait ben correct comme ça. J’aimerais trouver plein de bonheur. Du bonheur qui se serait caché entre mes orteils croche. Du bonheur qui serait resté pris dans l’dedans de ma tête qui attendait qu’on regarde sous mon nez avec une bosse. Du bonheur pis d’la bonne humeur cachés que’que part qui étaient bien bien empaqu’tés depuis que’ques années peut-être. Pis du désir, pis d'l'amour, qui s'raient tombés et qui se seraient accrochés à mes chevilles comme un p'tit bracelet de la chance fragile.
 
Quand toute mon p’tit moi dépaqueté arrivera à Montréal et s’ra bien installé dépoussiéré, la première chose que j’va faire c’est aller écouter la mer.
 
Métro Pie-IX, j’va m’accoter dans le fond d’un wagon, dos à une porte grillagée. J’va mettre the Wolves Act I et II dans l’piton dans mes oreilles. Le métro va partir, y va s’mettre à venter, j’va fermer les yeux, ça va sentir mes cheveux pis j’va entendre la mer, elle va passer au travers de mon corps-coquillage. J’va faire comme y disaient aux cours de natation, rentre-le-ventre-serre-les-fesses-tiens-toi-droit-regarde-le-plafond pis tu vas flotter.
 
Pis j’va flotter.
Pis j’va m’sentir légère comme la mer qui souffle qui chante au travers de mon corps-coquille.
Pis j’va chanter les yeux fermés avec elle pis Bon Iver dans ma tête.
 
5 minutes plus tard genre au métro Papineau, y va y avoir comme un bruit de portes de métro qui bougent à cause de la vitesse dans la chanson. J’va ouvrir les yeux pis émerger dans l’métro. Je vais remplir mes poumons d’air pis j’va skipper toutes les prochaines chansons à chaque 10 secondes en regardant tout l’monde. On va tous se sentir tous nus quand le métro va shaker pis qu’nos peaux vont brasser autour de nos corps. L’espace d’un instant nos coeur vont être 100 p’tits orbites empaquetés dans l’métro. Leurs empaquetages vont sauter sur le beat d'la musique pis revenir à leur place station Frontenac. Tous les regards vont se croiser au travers de leurs trajectoires-fil-d’araignée fenêtre-plafond-plancher-plan-du-métro-publicité. Tous les regards vont rester pris que’que part.
 
À Berri-UQAM mes jambes vont se rappeler de tout et se remettre à marcher vite machinalement.
 
Ma belle grande amie va m’attendre sur Saint-Denis. J’va la trouver en train de fumer une cigarette pis d’écouter de la musique au soleil assis dans les marches de l’université. On va se faire sourire. Elle va me donner un écouteur pis on va se mettre à marcher vers n‘importe où pis se retrouver devant une terrasse. Ça va être comme si c’était hier comme si c’était y a un an comme s’il ne s’était rien passé comme si je reprenais Montréal où je l’avais laissée pis que j‘lui disais oké tu peux être l‘été je suis arrivée.
 
On va se commander un premier pichet pis j’va r’commencer à fumer. Le temps qui s’était arrêté va reprendre vite, on va se sentir tanguer nos têtes vont tourner, on va rire on va marcher appeler des amis chanter les instruments des bonnes chansons pleines d’été au travers des milliers de lumières qui vont s’étirer, tout le monde va avoir la tête coloré on va s’noyer l’corps sur Saint-Denis au travers de milles poissons multicolores qui vont frayer vers le plateau pour fêter pour s’allumer encore on va devenir accro aux têtes colorées pis on va chanter encore.
 
À minuit et demi j’va commencer à m’en retourner.
 
J’va m’accoter contre la porte grillagée
j’va avoir du vent dans les cheveux
j’va fermer les yeux
pis j’va me laisser tomber su l’dos
pis j’va tomber drette au milieu de la mer de Berring.
 
Au petit matin j’va émerger.
 
Ça va être le même mal de tête, la même soif, le même mal-au-corps
qu’à Québec.
 
Sauf que maintenant,
j’ai la mer.

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