dimanche 10 avril 2011

L'oiseau-repère de l'avenue Mont-Royal.


Il était mon gars-repère dans la grande ville de Montréal. On était un peu comme deux perdus qui venaient de la campagne sauf que lui il était plus vieux et plus grand pis ça faisait plus longtemps qu’il vivait là. Quand je suis arrivée il était déjà Montréal. Quand il se promenait sur l'avenue Mont-Royal il avait l’air de s’être toujours promené sur l'avenue Mont-Royal. Il fittait, parfaitement.
 
Plus tard j’ai su que partout où il se trouve il à l’air du gars qui s’est toujours promené où il se trouve. Plus tard j’ai su qu’il avait l’air du gars qui fait rêver les filles, qui leur fait dire p’têtre que j’ai manqué l’homme de ma vie en le laissant passer sans lui parler. Il avait l’air du gars que tu t’imagines dans ses bras mais c’était mon gars-repère, moi je ne le voyais pas comme ça.
 
Mon gars-repère c’était aussi mais surtout mon ami. Je le voyais à Montréal comme le gars qui à l’air de s’être toujours promené sur Mont-Royal mais c’est tout. J’en riais, ça me faisait sourire aussi, mais pas comme un sourire en forme de coeur, comme un sourire en forme d’oiseau avec les ailes pis toute. Il me faisait sourire avec les lignes qui grandissent sur mes joues saillantes comme un oiseau qui s‘envole pis toute. Mon sourire-oiseau s’envolait toujours, il n’était pas fait pour être attrapé, c’est parce que c’était un sourire-oiseau d’amie.
 
Je le voyais rêver des femmes, les chercher, les attendre partout. Elles, je ne les voyaient pas rêver de lui, le trouver et l’attendre partout. Il ne les voyait pas non plus. Il rêvait des autres je pense. Il rêvait d’une autre. Il rêvait de la femme-passé qui ne se trouve pas et ne s’attends pas parce qu‘elle est une momie et qu‘à Montréal les momies ne se trouvent pas. Sa femme-passé-momie ne l‘attendait plus et elle était dans un autre pays. Je les voyaient lui et les femmes, les femmes et lui, et je n’étais qu’une amie. Une amie avec un sexe-muet, un sexe-oiseau qui sourit des fois mais qui s’envole toujours parce que c’est un sexe-oiseau-muet d’amie.
 
Je riais de le voir si enfant et d’être si grand, si poilu, si gars-repère-enfant-perdu qui se promène sur Mont-Royal comme s’il s’y était promené tout l’temps. Je le regardais avec mes yeux-oiseaux qui plissaient et qui s’envolaient avec mes sourires-oiseaux d’amie. Je pleurais le soir parce que mes sourires et mes yeux-oiseaux et même mon sexe-oiseau auraient eu besoin d’un homme-repère. Je mettais mon corps dans de petites cages pour y remédier mais je pleurais souvent parce que ça ne fonctionnait pas. Je pleurais parce que mon sourire et mes yeux-oiseaux s’envolaient dans les rues et dans le ciel sale de Montréal, parce que mon sexe-muet n’arrivait pas à rire et restait prit sous mes jupes, entre mes jambes qui battaient battaient des ailes fort fort dans les artères sales de Montréal, et que mon gars-repère était mon ami et qu’il aimait une femme-passé, il aimait une momie, je pleurais des fois parce que j’étais trop en vie.
 
Un soir d’hiver je sais pas pourquoi il à ouvert sa fenêtre d’appartement de gars de l'avenue Mont-Royal 3ième étage qui donne sur un petit balcon croche qui donne sur la belle nuit de Montréal sur la neige qui recouvre toute le sale sur les lumières qui s’étirent quand tu plisses les yeux sur la neige toute bleue. De sa fenêtre ouverte toute le sale était blanc et multicolore.
 
On était dans un bar il faisait trop noir pour se reconnaître il faisait trop chaud il faisait trop étourdissant pour que mon sourire-oiseau s’envole où il fallait et il l’a attrapé avec sa bouche-repère. Il ne l’a pas lâché de la soirée parce qu’il faisait trop étourdissant et que si on se lâchait on se crashait c’est sur. Dans le taxi on se retenait de quelque chose comme si on se retenait de se reconnaître. Chez eux il faisait noir c’était parfait il à juste prit un petit peu mon sexe-oiseau dans ses mains pour le réconforter il l’a couvert de ses deux grandes mains d’homme-repère il l’a flatté juste un petit peu sur son p’tit nez pour lui dire oké oké ça va aller tu peux t’envoler. Pis on a volé, pis on a dormi. On a dormi la fenêtre ouverte qui donnait sur Montréal en bleu en blanc pis en multicolore.
 
Il était mon gars-repère dans la ville de Montréal. On était un peu comme deux perdus qui venaient de la campagne sauf que lui il était plus vieux et plus grand pis ça faisait plus longtemps qu’il vivait là, dans son appart de gars de l'avenue Mont-Royal 3ième étage qui donne sur un p’tit balcon croche qui donne sur Montréal et ses états-d’âmes et ses milles corps-oiseaux.
 
Il avait tellement l’air de toujours s’être promené là. Il avait l’air de pouvoir toujours se promener là mais c’était pas comme ça. C’était mon ami-repère qui aimait une femme-momie et moi j’étais une fille-oiseau. Je mettais mes dents dans de petites cages et mes doigts dans de petites cages brillantes. J’ai fais mettre une petite cage en acier chirurgical autour de mon nez, autour de mes lèvres aussi, et de mon nombril, et de mes oreilles, et je cherchais d’autres petites parties de mon corps à mettre en cage pour me sentir mieux, pour moins m’éparpiller, mais je pleurais des fois parce que ça ne marchait pas. Je réfléchissais souvent, j’aurais même mis mes orteils une par une dans de petites cages dorées si ça avait pu changer quelque chose, je les aurais enfermées à clé avec une toute petite mini clé dorée pour chacune des cages et je les auraient portées dans mon cou. Elles auraient fait gling gling gling dans le vent parce qu’elles se seraient balancées sur mon petit corps en cage, sur mon petit coeur en cage qu’il faut mettre en cage parce qu’il se bat beaucoup trop fort tout l‘temps.
 
J’ai su plus tard que c’était une bonne chose que je n’ai pas trop mis de petites parties de moi en cage parce qu’avec le temps le vent et les tempêtes et les chaînes avec des petites clés dorées et les barreaux, ça aurait été très long à démêler.
 
De le voir si enfant et si grand, si poilu, si gars-repère-enfant-perdu qui se promène sur le plateau comme s’il s’y était promené tout l’temps, en rêvant en cherchant, ne faisait plus rien du tout à mon sourire-oiseau. Je souriais avec un sourire en forme de coeur maintenant. Mon sourire-grenade rouge en forme de coeur gonflé prêt à exploser. Un sourire dangereux qui me faisait pleurer des fois parce qu’il était trop lourd pour mon corps-oiseau, parce que je ne l’avais pas imaginé comme ça.
 
Plus tard j’ai su qu’il avait ouvert sa fenêtre pendant l’hiver parce qu’il était un homme-oiseau. Parce que son corps était une grande cage qu’il gardait pleine de passé et de momies.
 
J'ai tout fais pour qu'il ne soit plus mon gars-homme-enfant-repère. Il aurait du être un gars-homme-enfant tout court. Il ne me faisait plus sourire il me faisait pleurer avec les vagues grises sous mes yeux pis toute. On avait volé une fois ensemble au moins, pis c’tait vraiment beau, pis c’tait toute.
 
Plus tard j’ai su qu’il était parti chercher sa momie dans un autre pays et qu’il s’y promenait comme s’il s’y était promené tout le temps. Un pays-hiver. Plus tard j’ai entendu dire aussi qu’il s’était trouvé une femme-repère. Je sais qu’ils ne volent pas ensemble, j’en suis sure. Et quelque part ça me fait du bien.
 
Moi je vis toujours à Montréal. Des fois je m'ennuie de mon ami-repère mais je sais que tout ça, ça s'peu pu. J'me suis habituée à Montréal et quand j'me promène sur l'avenue Mont-Royal des fois j'pense que j'ai l'air de toujours m'y être promené. À chaque fois que je passe sous le balcon croche ça m'fait un p'tit pincement au coeur ça fait comme gling gling gling. C'est comme si je m'y étais un peu accrochée, c'est mon appart-repère de l'avenue Mont-Royal à défaut d'y avoir encore mon gars-repère. Je rencontre des centaines de personnes-oiseaux sans repère qui me font de la peine. Je leur souris quand même. Je leur fais de beaux sourires-oiseaux, on se fait de beaux sourires-oiseaux.

J'suis sure que les soirs de belle nuit de Montréal quand on voit bien la neige qui recouvre toute le sale, les lumières qui s’étirent quand tu plisses les yeux, la neige toute bleue et toute le sale en blanc et en bleu et en multicolore, je suis sure que ces soirs là on peut voir du balcon croche du 3ième étage une belle grande guirlande de sourires-oiseaux et de regards-oiseaux qui flottent et qui dansent au dessus de l'avenue Mont-Royal. Je pense que c'est là qu'ils s'envolent, vers mon appartement-repère.

Je rencontre des centaines de personnes-oiseaux qui me font de la peine. On se fait de beaux sourires-oiseaux. Des fois on s’étourdis pis on s’accroche pour une nuit. On se fait croire qu’on a besoin de ça pour s’empêcher de crasher.
 
 
 
 
 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire