jeudi 28 avril 2011

La fille à la basse.

J’étais assise à une table juste cachée un peu, pas trop sur le bord du mur mais pas trop dans l’milieu non plus. C’était une soirée jam. Tout l’monde bougeait là-dedans avec son instrument comme s‘il savait où il s‘en allait exactement. Pour moi les jams ça tiens toujours un peu du mystère, que mis sur une scène avec des instruments, tout plein d’inconnus semblent tout d’un coup se connaître et savoir où ils sont et où ils s’en vont, parfaitement.
 
Tout dans la vie devrait être comme un jam bien réussi. On devrait toujours se sentir autant à sa place on devrait toujours sentir que ça fait autant de sens qu‘on se connaît qu‘on sait où on est exactement et où on s‘en va.
 
C’était
super
beau.
 
J’étais assise pas trop sur le bord du mur mais pas trop dans l’milieu non plus, juste assez dans le noir pour que les musiciens ne puissent pas me regarder dans les yeux mais assez dans la lumière pour qu’ils me voient taper du pied et chanter avec eux un peu. J’étais juste assez bien cachée pour ne pas trop être seule mais quand même seule un peu. Je buvais beaucoup beaucoup de bière j’écoutais la belle musique je regardais les gens descendre-monter de la scène changer d’instruments pis faire d’la belle musique encore tout l'temps. Dans les super beaux moments, ceux où tout était en parfait harmonie, la guitare nous tirait le bras nous disait vient-en suis moi le drum pompait notre sang donnait des coups de pieds sous nos corps fatigués réveillait notre peau la basse sur son dos frappait plus fort soulignait le passage du sang dans chaque partie de notre corps pis dans notre coeur qui se laissait bercer balancer par la voix rauque douce qui chuchotait qui criait et le clavier nous faisait tourner nous tordait les oreilles nous flattait le corps, y avait pu personne pis tout l’monde était tout l’monde en même temps, y avait pu chose pis son ex pis l’autre qui la trouve de son goût pis elle qui regarde son chum avec des yeux plein d’peine pis elle qui regarde l’autre avec des yeux plein d’amour pis les deux là qu’y se r’gardent un peu pis celles qui se trouvent belle pis ceux qui l‘sont pas ceux qu‘on regarde pas. Y avait juste une gang de monde qui tapent du pied pis qui sourient un peu dans leur têtes, des têtes pleines de sourires pis d’yeux semi-ouverts, des corps rempli d‘yeux pis de sourires. Tout dans la vie devrait être comme un jam bien réussi.
 
Mais c’qui avait d’encore mieux d‘encore plus beau, c’était la fille aux cheveux longs qui jouait de la basse. Tout dans la vie devrait être comme un jam bien réussi avec une fille comme elle avec ses cheveux longs qui joue de la basse vraiment bien.
 
C’était super beau.
 
C’était comme si tout d’un coup on se connaissait pis on savait où on s’en allait exactement. Comme si à elle toute seule elle me tirait le bras elle me disait vient-en-suis-moi qu’elle pompait mon sang qu’elle donnait des coups de pieds sous mon corps fatigué réveillait ma peau frappait plus fort pour souligner le passage du sang dans chaque partie de mon corps dans mon petit coeur puis me berçait me balançait, douce, rauque, chuchotais criait me faisait tourner me tordait les oreilles et me flattait l’corps.
Tout en même temps.
 
On ne se regardait pas dans les yeux mais je chantais avec elle pis je tapais des mains un peu. J’étais juste assez toute seule. Elle avait les yeux semi-ouverts pis elle jouait d’la basse vraiment bien au travers de ses ch'veux. J'pense qu'on souriait dans nos têtes, un peu.
 
J’étais assis à une table pas trop cachée sur le bord du mur mais pas trop dans l’milieu non plus.
 
C’était une soirée jam c’était super beau.
 
Elle je l’avais vu passer dans la soirée plus tôt je l’avais même pas remarqué j’avais tourné la tête y en avait d’autre plus belles mieux habillées, celles avec des belles jupes avec des gros zippers noirs pis des beaux collants pis des belles camisoles d’été pis des bottes de cowboy, genre. Y en avait d’autres plus belles que je ne regardais pas aussi. Y avait plein de garçons qui regardaient trop pis y avait ceux qui regardaient pas.
De tous, ceux là c’était eux les plus beaux.
 
Au travers de la foule dans le bar la fille aux cheveux long qui joue de la basse avait l’air de rien qu’une fille aux cheveux long parce qu’on savait pas qu’elle jouait de la basse. C’est ça qui est beau c’est quand on attrape une partie du mystère pis qu’on le tiens juste un peu qu’on le touche du bout des doigts. Sur scène le monde devient comme mieux plus vivant, tout, dans la vie, devrait se passer comme sur la scène d’un jam bien réussi.
 
Sur scène elle s’est animée, les yeux semi-fermés, c’est comme s’ils s’étaient ouverts pourtant, je l’aurais juré. Elle avait une partie du mystère entre les doigts même si ça paraissait pas pis elle nous le jouait sur sa basse.
 
C’était super beau.
 
Tout l’monde souriait un peu en claquant des mains en tapant du pied on était un grand sourire des grande lèvres semi-ouvertes c’est comme si on avait ouvert un grand vortex on était plus beau que la pluie qui tombait dehors c’était le déluge dans nos corps on faisait le même son que l’eau qui tombait du ciel sur le sol mais en mieux, elle était la plus belle dans notre vortex elle était la paire d’yeux elle était drette dans le milieu elle était la reine Toulmonde elle jouait d‘la basse merveilleusement bien elle nous dirigeait elle nous disait c’est dans ce sens là qui faut aller mais comme quelqu’un qui venait juste de le trouver elle nous jouait c’est vers là qui faut aller toulmonde, j‘vous l‘promet.

Pis on l'écoutait.
 
Le temps s’était comme mis à danser on se sentait tout nu du dedans tout s’était changé en un grand sourire nos corps étaient comme deux grandes lèvres grandes ouvertes on partageait la sensibilité de toulmonde qui tapait des mains qui bougeait les lèvres qui répétait j’vous l’promet j’vous l’promet j’vous l’promet.
 
J’suis sure que sur son corps tout nu à elle en d’ssous de son t-shirt gris y avait un gros zipper noir qui partait du dessous de ses seins jusque bas bas dans l’bas de son ventre. J’suis sure qu’en dedans y avait toute nos dedans qui étaient vidés de la regarder jouer. Dans son ventre y devait y avoir quelque chose comme toute notre nudité.
 
Tsé dans la vie, tout devrait être comme un jam bien réussi.
 
Ça serait super beau.
 
On devrait tous jouer d’la basse pis sentir nos extérieurs vibrer pis nos dedans jusque dans l’bas de nos ventres bien remplis de sourires pis d‘yeux semi-fermés.

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