mardi 21 juin 2011

maladroitement


Mes bras étaient étirés de chaque côté de mon corps pour m’accrocher quelque part. Pour effacer mes extrémités. Pour voler dans la soirée. Ils balançaient. Les petits bagages ficelés autour de mes bras explosaient sur le sol parce que ça bougeait trop autour, parce que la musique était trop forte. T’étais là. Dans la frontière que dessinaient mes bras. T’étais là. Entre mon corps et le reste du monde. Tu bougeais un peu maladroitement. Tu voyais les cheveux au dessus de nous onduler, comme la mer après qu’un bateau soit passé. Et les bras qui volaient comme des oiseaux blancs, comme des oiseaux dans le ciel. Ce ciel multicolore de bar que je connaissais tant. T’étais à côté de moi comme une tempête. Si ma tête bougeait, si mes cheveux se mêlaient, si mon corps tremblait, c’était à cause de toi. La musique te suivais, elle t’écoutait, elle criait ton intérieur déchaîné, que tu contenais presque parfaitement. Que tu arrivais à compacter dans ton grand corps élancé. Seul ton visage un peu crispé et ta façon de danser un peu pogné témoignait de ce dedans-tempête-tempéré. Ta bouche était toujours entre-ouverte comme une valise qu’on n’arrive pas à fermer. Tu fermais les yeux pour mieux te contenir peut-être. Moi je les ouvrais grand, j’essayais de me faire envahir, avaler, par ta tempête. Ta présence m’électrisait. Je m’efforçais de ne pas te toucher, j’avais peur d’en mourir. Tu restais dans la frontière, dans un espace flou et dense, entre moi et les autres qui bougeaient. Mes poils se hérissaient. J’étais convaincue que si tu me touchais mon corps exploserait. Mes bagages eux éclataient. J’essayais tant bien que mal d’en garder l’essentiel, j’en plaçais sous mes bras et entre mes jambes. Dans mon chandail et tout le tour de mon pantalon. Des souvenirs importants, des morceaux du présent, des promesses, des engagements. Juste assez pour pouvoir rentrer chez moi et pas trop m’sentir brisée en dedans. Le reste se faisait piétiner. La mer avalait tout. Et le bateau passait. Et la vague happait.
J’tai regardé t’en aller. J’pense que t’étais juste tanné de danser maladroitement. Ton corps était lourd à bouger de tout c’qu’il avait en dedans. Mon corps était fatigué aussi, comme s’il avait été rué de coups. J’avais presque tout oublié.
Les morceaux collants qui trainaient par terre me ramenaient à moi tranquillement. Mes pieds s’enlisaient dedans. Mon corps était lourd. Il demandait. Encore. Plus. De ton vent.
Le bateau a passé. Je me suis fait happer par la vague. Mes bras on volé dans le vent.
Comme un oiseau trop sonné j’ai foncé dans la fenêtre et je me suis effondrée. Tout était flou, y avait plus rien de vraiment clair. Sauf les lumières, il y avait vraiment beaucoup, beaucoup de lumières.
La barque dans laquelle je me suis évanouie m’a laissée au coin de chez moi. Un peu plus légère. Au matin je me suis refais de beaux petits paquets en papiers bleus. Je les ai bien reficelés à mes petits bras raqués. Je me suis redessiné des limites au crayon noir. Beaucoup autour de mes yeux. Pour mieux voir. Pour mieux me faire envahir. Pour mieux avaler. Les tempêtes. Toi. Peut-être. Tu. Me. Fait. Chavirer.
J’suis mieux quand même quand j’te vois pas.
Mais.

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