dimanche 26 juin 2011

disparaître

Il aurait certainement pu être une star du rock si ça avait été différent pour lui. Il avait le corps parfait. Grand, mince, élancé. Des mains fortes avec juste assez de veines. La peau brune, chaude et sèche comme le désert. Des cheveux longs, parfaitement mal lavés et mal placés. Un visage mince avec quelque chose de carré, des yeux perdus, profonds, des yeux noirs-bleus. Il était assis juste en face de moi dans l’autobus pis j’pouvais pas m’empêcher d’le regarder. Il avait quelque chose de rassurant, quelque chose que j’connaissais. Il avait aussi quelque chose de dangereux. La peur, l’impulsivité, ou juste la perte totale de contrôle sur lui-même, il avait l’air de pu s’appartenir. Il avait quelque chose de brisé, de désespéré, de terriblement fatigué.
Il a regardé par la fenêtre et il s’est mis à rire. Son visage prenait tout à coup des teintes d’enfant du désert.
Il avait l’air vide, perdu. Il avait quelque chose d’un disparu.
J’me demandais s’il était complètement défoncé où s’il l’avait tellement été souvent que son corps lui répondait pu. Y pouvait pu arrêter de rire. Parce que les choses allaient trop vite dehors, surement.
Y m’faisait penser à toi.
T’étais grand, mince, élancé. Tes mains étaient fortes avec juste assez de veines pour serrer mon corps et pour être doux en même temps. Ta peau était brune, chaude et sèche comme le désert. Tes cheveux longs étaient toujours parfaitement mal placés (sauf quand tu t’entêtais à les couper court). Ton visage était mince et pourtant carré. Tes yeux faisaient mal à regarder. Ils étaient perdus, profonds, ils étaient noir-bleu. T’avais quelque chose de rassurant, mais quelque chose aussi de brisé et de fatigué. En tout cas, la dernière fois que je t’ai vu. Ça fait longtemps déjà, on peut compter en années sur les doigts.
T’aurais pu être une star du rock si t’avais voulu. T’aurais pu porter des jeans serrés. T’avais opté pour les bracelets en cuir, tu voulais pas du reste. Tu faisais du air guitar dans ton salon pis t’écoutais  d’la musique fort dans ton char en tapant sur le volant, c’est ce qui te rapprochais le plus du rock pis des stars. Mais t’aurais pu, t’avais le look et l’attitude parfaite.
T’avais mal en d’dans. Avec le temps, t’avais perdu et mélangé des morceaux importants de toi. Elle était partie avec un gros morceau, elle t’avait laissé plus brisé que jamais, éparpillé et épuisé. Y avait surement plusieurs moments de ton passé aussi qui avaient leur part de responsabilité mais ça, t’en parlais pas. Jamais.
T’avais choisi la boisson. T’avais même arrêté de conduire pour mieux boire. C’est p’têtre ce qui te séparait du gars de la 97. Lui il avait choisi de se shooter à toute c’qu’y pouvait trouver. Il voulait taire le mal, il était prêt à tout, il allait jusqu’à se faire taire lui-même. C’était moins pire que de côtoyer sa douleur chaque jour, moins pis que de se côtoyer chaque jour lui-même. Finir les yeux vides en riant seul dans l’autobus, c’était comme le prix à payer. C’était mieux que le reste. Disparaître avec elle. Toi, t’avais choisi de rester près de ta douleur. De l’engourdir un peu, souvent, mais de la garder à bout de bras. Tu marchais comme ça chaque jour de toute l’année comme un funambule au dessus d’elle. Parce qu’y fallait se rappeler, parce qu’y fallait se punir aussi, je pense. T’avais le vertige.
J’pouvais pas m’empêcher de le regarder. J’sais pas aujourd’hui de quoi t’as l’air, mais j’pense que si ton dedans sortait entièrement de toi, le soir après une coupe de bière, il ressemblerait à ça. Au gars poqué de la 97 qui ris comme un enfant en regardant dehors avec ses yeux cernés.
Pourtant, même si ça fait des années, j’suis sure que de l’extérieur t’as pas l’air de ça. Que t’as encore l’air d’une rock star. Même si tu dois commencer à avoir des cheveux gris. Le temps doit être rough avec toi. J’suis sure que quand on regarde dans tes yeux par exemple, c’est comme avant, ça fait mal. J’ai encore des p’tites fêlures en d’dans à cause de ça (pis j’va te dire un secret. J’veux pas tellement qu’elles partent).
J’espère que tu t’es sauvé assez loin pis que ça va bien. C’est con hein, j’pense souvent à toi même si ça sert à rien.

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