mercredi 16 mars 2011

Tricot.


Des fois, mes cheveux poussent jusque dans le fond de mes oreilles.
Des fois, ils vont s’emmêler jusque dans le fond de ma caboche et me volent des idées, des mots, des pensées.
C’est pour ça qu’ils changent souvent, ils parlent beaucoup. Ils changent de sujet, c'est tout.
Des fois mes cheveux poussent jusque sur mes épaules.
Ils flattent mes épaules, les chatouillent, balayent ce qui s’y pose chaque jour et ce qui s’y accumule aussi avec le temps.
Des fois mes cheveux poussent jusque dans le bas de mon dos, mais ça n’arrive pas souvent.
C’est rare qu’ils se rendent là, ils ont beaucoup à faire dans mes oreilles et sur mes épaules. Ils sont usés.
Des fois, mes cheveux poussent jusque dans le bas de mon dos. Ils me caressent, ils serrent ma colonne, ils me font danser, me font grandir, ils dénouent les nœuds qui grimpent, grimpent, grimpent.
 
Il faudrait que mes cheveux poussent plus souvent jusque dans le bas de mon dos parce que les nœuds des fois, ils grimpent jusque dans ma tête.
J’ai peur qu’ils y plantent des petits pois.
J’ai peur d’avoir un petit pois dans la tête et qu’il ne se passe plus rien jamais, ou qu’il ne se passe que de petites choses.

Des fois, mes mains flattent mes cheveux qui en portent beaucoup, beaucoup, beaucoup trop. Ils se caressent.
Mes cheveux restent toujours doux, malgré tout. Malgré les chicanes, même si mes mains gagnent le plus souvent. Mes cheveux ne lâchent jamais, jamais, jamais. Ils continuent de pousser et n’abandonnent pas. Ils savent qu’ils ont la force du temps que mes mains n’ont pas.
 
Avec le temps, on peut commencer à apercevoir de petits chemins de cheveux se dessiner partout sur mes mains. Les petits chemins, avec le temps vont faire le tour de mes poignets. Ils dessinerons ensuite des petites formes géométriques et des petits fils partout sur mon corps. Tranquillement, je plonge dans un bain de cheveux, un bain de fils, un bain de dessins. C’est la vie qui s’effiloche sur moi, qui tisse et qui dessine sur moi ce que mes cheveux ramassent, racontent chaque jour.Toutes les idées, les mots, les pensées. On se change tous tranquillement en beau chandail de laine. Ça doit être confortable le temps, je pense.
 
Des fois mes cheveux poussent jusque dans le fond de mes oreilles.
Ils vont s’emmêler jusque dans le fond de ma caboche. Ils me volent des idées, des mots, des pensées. Ils essayent avec des idées, des mots, des pensées volées, de combler le vide qui s’étends partout. Ils dessinent, ils tricotent (ça fait du bien, ça passe le temps). Ils essayent de me tricoter de meilleures idées, de meilleurs mots, de meilleures pensées. Pour que je sois un peu plus confortable avec le temps, un peu moins piquante, une peu plus belle comme un beau chandail de laine (mélangé avec un peu de coton), peut-être.
 
J’ai déjà eu les cheveux long jusqu’aux fesses. Dans ce temps là, je m’achetais un bonbon mou à la cerise chaque matin sur la route de l’école, avec les sous que je trouvais sur mon chemin.
Depuis ce temps là, les bonbons mous à la cerise ne sont plus du tout à une cenne chaque, je ne trouve jamais assez d'argent sur mon chemin, et mes cheveux n’ont plus jamais été longs jusqu‘aux fesses. Ce n’est pas relié aux bonbons mous, ça relève surement plus de la vie, mais j’aime ça, dire ça comme ça, c’est beaucoup plus beau.
 
Des fois, mes cheveux me chatouillent partout sur la peau, ils m’attendent sur mon divan, dans mon lit, sur mon oreiller, dans mes vêtements, partout.
Pour me chatouiller, pour me faire sourire, pour que je ne n‘oublie pas de me flatter, plus. Parce que je me gratte trop.
Des fois, les nœuds s’échappent et s’éparpillent sous ma peau. Ils partent avec des mots, des idées, des pensées, que mes cheveux leurs ont chuchoté, dessiné, filé. Les petits pois sous ma peau poussent, prennent trop de place, parlent, parlent, et crient trop fort tous ensemble aussi. J’ai peur des petits pois, je suis allergique je crois. Ils me piquent la peau. À cause d’eux je sens toutes les petites aiguilles qui me tricotent. Si quelqu’un écoutait tout près tout près, se collait sur ma peau, il entendrait tout, tout, tout ce qu’il se passe à l’intérieur de moi. Il saurait tous mes mots, mes idées, mes pensées.
 
Des fois mes cheveux me chatouillent partout sur la peau pour me rappeler de me flatter plus, parce que je me gratte trop. Je veux reprendre ces mots, ces pensées, ces silences bruyants gardés sous ma peau. Je veux pouvoir me coller un jour sur quelqu'un tranquille, sans me vider. Sans qu’une de ses mailles ne prenne dans la mienne et que je ne sois obligée de tout recommencer.

J’ai essayé de me mettre les bras et les jambes dans la terre pour faire quelque chose de beau. Je suis à fleur de peau mais pas de fleur, ce n'est pas beau.

J’attends de voir ce qui se tricote. Une bourgeon, peut-être.
 
En attendant, je me fais pousser les cheveux. J’aimerais ça, pouvoir me faire une belle tresse jusqu’aux fesses. Peut-être au printemps.

Je me flatte plus, je recommence à manger des bonbons mous à la cerise à pas une cenne chaque. Une vie, ça ce tricote (ça fait du bien, ça passe le temps), ça ne se trouve pas sur son chemin. Non, juste les sous noirs, c'est tout ce que tu trouve sur ton chemin. Et des bourgeons, au printemps.

Bientôt j’espère, celui qui collera son oreille tout près de ma peau n’entendra rien. J’aurai tout à dire, peut-être même que je recommencerai à chanter. Comme dans le temps où j’avais les cheveux jusqu’aux fesses. Dans le temps des bonbons mous à la cerise.

Rouge jaune noir orange vert comme mes cheveux, comme les bonbons mous, comme les fleurs. Ce n’est surement pas relié, ça relève surement plus de la vie tout court, mais j’aime ça, dire ça comme ça, c’est beaucoup plus beau.

Ça fera un méchant beau tricot, je crois.
 
  
 

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