samedi 19 mars 2011

Brouillon

Quand on est tout le temps ensemble on oubli à quoi ressemble la maison quand on est seul la nuit. Quand t’es là c’est ta face pis ta voix pis ton corps pis toute qui prennent toute la place dans la maison. Ta face ton corps pis toute qui prennent toute la place dans mon champ de vision. Je suis comme pleine de reflets de ta face pis toute tout le temps sur mon p‘tit corps à moi. On se reflète on s’obstine souvent presque tout le temps, c’est un peu comme de la sérigraphie la vie. On s’imprime, des fois ça marche pas, on est deux gros brouillons (je suis tellement brouillon tout le temps tu m‘le reproche souvent). Ça peut pas faire autrement avec le temps, y a trop de dessins un par dessus l’autre, ça a bougé avant d’être bien fixé des fois, c‘est flou souvent. Je suis brouillon parce qu’on a fait plein de dégâts sur moi aussi mais je l’sais, tu veux rien entendre de ça, ça te frustre parce que c‘est pas tes doigts à toi qui ont fait des dégâts c‘est d‘autres doigts plus petits plus grands plus minces plus poilus plus sales des gros doigts laids de gars. Y a certaines couleurs que tu aimes pas chez moi. Y a certaines couleurs que j’aime pas chez toi aussi. Moi je suis pleine d’essais. Toi tu m’énerve avec tes belles lignes tes beaux dessins, on voit encore les formes de c’qu’elles ont dessinées sur toi vraiment bien (parce que les filles ont de jolis doigts fins plus délicats je crois). J’aime pas tout l’temps c’que j’vois. Leur choix de couleurs, c’est pas celles que j’aurais choisies, mais c’est pour ça je pense que tu es avec moi. Moi mes doigts sont p’tits aussi, tout le temps tachés, mais je suis bonne dans les couleurs. Un moment donné y faut des belles couleurs, t’es pas le genre de gars qui se contente d’un peu de pastel, moi je suis pleine de couleur (je tache même, tsé).
 
Quand on est tout le temps ensemble on oubli à quoi ressemble la maison quand on est seul la nuit. Ce soir t’es pas là, ta face ta voix ton corps pis toute sont pas là faque c’est vide c‘est gris pis c‘est plate. J’suis là couchée sur le lit comme un p’tit paquet de 500 feuilles lignées Hilroy. Je suis toute parfaite ce soir j’m’éparpille même pas j’me fait toute toute blanche pour pas te déranger j’me bluff moi même super bien j’me sens même pas barbouillé, je suis capable de me coucher sur mes barbos, les écraser pour que toute devienne plate plate plate pour que j’sois moins gondolée pour que mes p’tits démons partent sur la maudite gondole pis que j’sois plate pour être moins plate pour toi tsé. Mais c’est quand t’es pas là que j’ferais toute pour que tu sois là. Mais t’es pas là ce soir faque c’est ça.
 
T’es pas là faque y a personne à qui je peux dire, t’as entendu? T’as entendu le bruit? Y a des fantômes dans notre maison mais je l’oubli tout le temps quand t’es là la nuit parce qu’y a ta face pis ta voix pis ton corps pis toute qui m’empêche d’entendre les fantômes. Je sais pas de quoi y jasent ou qu’est-ce qu’y veulent mais des fois je leur demande de s’en aller j’aime pas ça quand c’est leur voix dans ma tête leur face dans ma tête pis toute ça me fait peur.
 
Je voulais être forte pis pas t’écrire pendant la seule nuit où t’étais pas avec moi mais j’avais peur des fantômes faque j’tai envoyé un message texte. J’tai dis: je l’sais y é deux heures quarante et une du matin dis moi queque chose pour remplir ma tête d’autre chose ste plait mon p’tit loup.
 
Tu m’as répondu: Renard. (C’est parce que t’es pas un loup mais un renard ou parce que tu joue au p’tit rusé ou parce que tu dis n’importe quoi ou parce que t’es un fou ou parce que tu ris de moi ou parce que j’sais pas pourquoi don que tu me réponds ça.)
 
J’me suis recouchée j’me suis roulé dans le lit j’ai taché les draps d’encre ça faisait des nuages des gros arbres morts des maisons qui craquent pis des silhouettes sombres (toutes les couleurs mélangées ça fait noir je tache noir c‘est pour ça que j‘ai le bout des doigts noirs c‘est pas pour être a la mode). Ça marche pas je pense renard renard renard renard j’entends les renards je vois les renards c’est pas mieux que les fantômes j’ai vraiment peur des renards tout à coup, c’est ça qu’elle fait la nuit quand t’es seul. Elle te rends fou elle te fait même haïr les renards.
 
À quatre heure cinquante trois je me suis fâchée contre les renards qui m’empêchaient de dormir, j’ai ouvert les rideaux la fenêtre pis j’leur ai crié partez don allez don vous faire coudre j’ai besoin de dormir laissez moi tranquille aaaaaaaaaahhhh (j’ai vraiment crié fort).
 
Ils étaient tous là assis sur mes feuilles ils se roulaient dedans j’ai fais une belle grosse crise pis je les ai envoyé se faire coudre pis avec les feuilles y too tant qu’à y être tiens toute mes belles feuilles Hilroy de mon p’tit paquet de nerfs.
 
J’me suis réveillé à dix heures trente neuf c’était silencieux, t’arrives surement bientôt. Y a plus de feuilles dehors l’automne est parti pis un peu de moi aussi. J’suis moins paquet de nerfs pis de feuilles barbouillées. J’dirais que j'suis plus une grande toile ben ben ben abstraite en 3d.
 
T’es arrivé à une heure vingt-trois tu m’as dis pis? J’ai dis les renards sont partis. T’as dis ouff pis t’as souri. Tu m’as regardé pis tu m’a dis t’es belle on dirait que t’es plusse toi j‘sais pas. J’ai dis merci parce que j’suis polie mais j’ai pensé c’est aussi grâce à toi-le beau résultat tsé. Je suis pleine d’abs-traits c’est comme ça.

Mais va t'en plus ste plait reste avec moi.
 

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